samedi 24 août 2019

Paris Brest Paris par Elodie

 Petit compte -rendu d’Élodie qui nous fait revivre son Paris Brest Paris


En résumé :
Paris Brest Paris, mythe ou légende
De PBP, j'avais 2 visions celle du JT de JP Pernaut (Ça part mal!), où des tas d'étrangers en plein jet lag luttaient contre les éléments pour faire l'aller retour en vain. Et puis celle de super randonneurs croisés ici et là, qui gèraient la chose comme un aller retour à la boulangerie, avec une régularité parfaite...
L'événement ayant lieu tous les 4 ans, il n'y avait plus qu'à s'y inscrire pour assouvir la curiosité et relever le défi.

Dimanche 18, 17h00 .....Début des Doutes 

Il y a 6300 partants sur ce PBP, tous répartis par vague de 300.
Après avoir trouvé le bon sas, nous partons via la porte de Versailles de Rambouillet. Avec Al on a décidé de faire notre route indépendamment en écoutant nos sensations.
Je commence donc à suivre un groupe, rester dans les roues pour économiser de l'énergie, le cardio est raisonnable, les jambes sont un peu justes pour sortir de la vallée de Chevreuse. Au bout de 27 bornes je renonce à suivre, et garde mon rythme pour me préserver, je vais tour à tour rouler avec le pilote Cyfac rencontré au BRM de Noisiel et puis Olivier, que je n'avais pas revu depuis l'époque des rassemblements singlespeeds, le monde est petit. La route se poursuit jusqu'à Mortagne en Perche, rythmée par les dépassements des vélos couchés et vélos carénés partis 1/4 d'heure après nous, le tandem de Vagabonde me dépasse même pas le temps de les encourager, il s'évapore. Les forêts sont agréables et le public déjà là pour encourager.
Malgré tout, à ce moment-là, j'ai beaucoup de doutes, mes jambes ne sont pas tops, je me sens rouillée, je me demande ce que je fais là.
Je me dis "patience", je compare souvent la longue distance à du puzzle, celui de 8000 pièces avec le dauphin bleu qui saute de la mer bleue sur fond de ciel bleu....patience.

Dimanche 18, 21h...Première nuit

Mortagne en Perche, la belle surprise des encouragements de Jeanne et Arthur, en pleine côte 😛. C'est l'heure du premier ravito, beaucoup d'agitation, les bénévoles sont au taquet, mais pas de panique, on a que 117bornes dans la musette, un simple bidon d'eau me suffit, j'allume mes feux, je continue. En grignotant gougères et bananes que j'avais avec moi.
La nuit tombe, plutôt douce jusqu'à Villaines la Juhel, pas besoin de me rhabiller, le simple chasuble coupe vent suffit.
C'est le début des Alpes Mancelles, je commence à comprendre que chaque région traversée n'est qu'une série de montées et descentes, ce qui fait que les 12000m de D+ ne sont pas fictifs et que l'épreuve peut être qualifiée de : USANTE....
Villaines la Juhel, 2h10 et premier Check Point (donc coup de tampon sur la feuille de route), 2 bidons d'eau, dont 1 avec électrolytes, j'ai encore du ravito sur moi alors je me couvre : gants, coupe vent, jambières, et je continue. Mon vélo est garé un peu loin du contrôle, la marche que ça m'oblige à faire me détend les muscles et me réveille. Je repars. Direction Fougères à 90 bornes. Je sais que c'est la période de la nuit la plus difficile à tenir, mais le sommeil cumulé volontairement c'est derniers jours va m'aider à tenir pas trop mal jusqu'à 5h. Depuis Mortagne je roule avec des grappes de cyclistes, que je perds puis retrouve dans la nuit, je garde mon allure. Il y a dans quasi 1 village sur 2 des spectateurs qui nous encouragent, parfois assis une couverture sur les épaules, des applaudissements qui fusent des fenêtres, il y a pas d'heure pour encourager.
5h, les ennuis commencent, je vais m'apercevoir au cours de la rando que l'heure précédant le lever du soleil est critique pour moi, débuts des bâillements, micros hallucinations. Mais si proche du check point, je ne veux pas m'arrêter, alors je me parle, je chante, j'en viens même à inventer des chansons, jetant un œil dans le rétro pour m'assurer que personne n'entend le triste spectacle 😁
J'arrive à Fougères kms308, persuadée de faire une BONNE pause. Pointage du carnet. Je prends un thé, 2 croissants, je me pause 5-10mn. Finalement je m'aperçois que le jour est arrivé, je suis bien, j'ai envie de repartir. Hop.

Lundi 19, 6h50.....le grand chantier

Je quitte Fougères et son magnifique château au soleil levant, ça mériterait une photo Insta dans un autre voyage......je peux enfin voir les paysages, des landes, des étangs, sympathiques mais toujours du faux plat montant ou des côtelettes, ça calme. C'est la plus petite étape du road trip alors Tinteniac kms 366 pointe le bout de son nez, il est 9h15. Pointage, un sandwich, les 5 bénévoles s'activent, paniquent un peu, pas de sandwichs déjà prêts, j'ai l'impression qu'elles préparent mon sandwich à 10 mains!
Je repars direction Loudéac. C'est le début du grand chantier : le vent s'est levé, pleine face, les côtes et montées se succèdent, l'impression de ne pas avancer domine. Je mordille dans mon sandwich sans conviction, plus motivée par des barres Overstim chocolat et un tube de lait concentré, ce qui m'étonne car d'habitude à ce stade, je suis plus portée sur le salé.
13h45 Loudéac kms448 : Enfin. Je prends le temps d'une bonne pause avec un chrono en route ( faut pas abusé des bonnes choses), fais un mix épouvantable de café au lait//Breizhcola, pain au chocolat, banane. Ça passe très bien 👌pas d'inquiétude. Je crois que ça a été la période où j'ai le plus consulté mon téléphone, envie de reprendre des repères sans doute, me rassurer, impatiences. Je vois que je ne suis pas la seule en galère et je croise le message de Sandrine qui prévient qu'elle est sur Cahraix, ma prochaine étape. Un rapide calcul et je préviens de mon passage pas avant 18h30, voilà.
Et je reprends la route, 2 italiens sont à mon allure je les suis volontiers. Encore bien des côtes à franchir. C'est désormais un fait avéré, on a négligé de bosser le dénivelé dans la prépa. Mes jambes tournent mieux que la veille mais mon rythme de pédalage trop en force ne convient pas à ces conditions. Je me fais doubler régulièrement par des groupes plus rapides, j'ai aussi compris qu'avec mes pauses plus courtes, j'arrivais à maintenir une allure correcte. Pour gagner du temps, il faut commencer par ne pas en perdre! Il est 17h00, 24h de route et 480kms au compteur (ça pourrait presque valider une Velocio, non !?
Je finis par arriver à Cahraix juste avant 18h30. Sandrine est bien là, rencontre en chair et en os pour la première fois, après pas mal d'échanges via les réseaux. Un bon moment qui aurait bien mérité une bière ! Mais Sandrine me fait oublier la pression de la course sans pour autant me faire perdre du temps, pointage de la carte, achat d'un sandwich, quelques photos et je repars. La prochaine étape étant Brest dans 90 bornes, la possibilité d'y être avant minuit est une grosse motivation !
Les calculs ! Je ne cesse de faire des calculs dans ma tête, voyons, si je fais 600 lundi, 400 mardi, il ne reste que 200 à faire mercredi....etc
Direction Brest et la traversée du massif Armoricain, passage au roc Trevezel au soleil couchant, la lumière est quasi parfaite c'est l'un des moments magiques de ce trip. J'enfile un coupe vent pour la descente. Je commence à croiser ceux qui sont sur le retour.
Instants de paniques également, le roc semble un mur à passer, un piège qui se referme, il faut le passer dans un sens descendre sur Brest puis remonter dans l'autre sens, ça m'effraie !

Lundi 19, 23h10.....la nuit bretonne 

Je pointe à Brest et ses 615kms. Une humidité froide s'abat, j'attrape mes jambières, gants longs, buff et me glisse dans le réfectoire tout chaud.
Prends un plateau repas, dont je mange la moitié sans grand plaisir. Aller, je vais DORMIR, chaque ravito ou check point a son dortoir. Ici c'est une grande pièce avec des tapis de sol la salle se remplit vite. Pas de couverture, j'aurais du prendre la couverture de survie qui est restée sur le vélo. Je me pose avec un minuteur : réglage 1h40. Je bascule dans le sommeil, malgré les ronflements de quelques compères et les "aïe aïe aïe " d'un rêveur, ça me fait marrer....
Je me réveille au bout d'une heure, sûrement à cause du froid, je frissonne, plus envie de dormir, je me lève, déjà envie de repartir. Il faut à nouveau franchir le roc Trevezel, ça m'impressionne. Sortie de Brest, devant moi un cycliste roule, il garde sa trajectoire avec peine, il s'endort. Je décide de le faire parler, c'est un français. Je lui dis de faire attention, il me rassure vite, un camping-car l'attend en haut du roc, il va dormir et se refaire, d'ailleurs il s'arrête manger une crêpe que des villageois proposent 24/24. Ah oui c'est aussi ça PBP, les ravitos sauvages dans les villlages.
Je franchis le roc dans la nuit froide et humide, ouf, ça me faisait peur, mais je ne suis pas au bout de ma peine. La descente s'avère plus difficile que la montée, c'est long, trop froid, trop humide, je perds ma concentration et doit faire super gaffe pour garder le contrôle. Il fait froid et humide, s'arrêter au milieu de nul part ne sert à rien, je continue. Dans la descente vers Cahraix je croise du monde, ce n'est pas normal, sur ce tronçon l'aller retour ne sont pas communs, certains ont décidé de raccourcir....
5h, difficile de tenir le guidon, je recommence à chanter et parler dans la nuit, pour arriver vers 6h15 à Cahraix, rassurée car le soleil va se lever.
Pointage au CP de Cahraix, le chassé croisé des allants et revenants a commencé, beaucoup de monde, le moindre coin est occupé pour une sieste, ça roupille de partout et dans toutes les langues...
Trop de monde je décide d'aller voir plus loin. Direction Loudéac à 90kms.
Mardi 20, 6h40.....manger c'est rouler
Je quitte Cahraix, mais la fatigue me rattrape vite. Une pause s'impose, beaucoup de monde me double, chacun son rythme.
Je repère un abris bus dans un hameau, je me pose, décide de me laver les dents (ben oui, l'instant fraîcheur!) Puis je sors ma couverture de survie, m'enroule dedans, déclenche un minuteur pour 40mn, toujours la peur de s'endormir pour des heures. Je somnole 30 minutes, me réveille, le minuteur me laisse 10mn, mais je me lève ça va mieux. Pause terminée !
Je reprends le vélo et repars, les routes sont sinueuses et le rythme cassant. Mes jambes manquent de puissance, j'en viens à faire le bilan de ce que j'ai manger depuis hier soir, trop peu certainement, je suis en hypo. Il faut vraiment que je m'alimente mieux, je mange une barre Overstim chocolat, c'est mieux mais avec le recul je me dis que j'aurais pu manger encore....
Je roule jusqu'à Loudeac, et commence à apprécier le vent de dos qui fait son petit effet sur la moyenne.
Km 783, Loudéac, je me suis promise de faire une descente de boulangerie, envie de tartes : flan, abricot, pain au chocolat. Les clients me regardent à la  fois interrogateurs et admiratifs, certains me posent des questions, on échangent, ils m'encouragent, un merci. Je descends au check point pour pointer, pause le vélo, avale mes tartes, garde le pain au chocolat pour plus tard.
Un coup de crème solaire sur le nez (2ème instant fraîcheur !), depuis dimanche ça commence à chauffer. D'une oreille j'écoute les commentaires des spectateurs, disposés autour du parc à vélo, la faune internationale des cyclistes est un spectacle pour eux, je souris.
Déjà l'heure de repartir pour mettre à profit le vent de dos. Je croise toujours des cyclistes en sens inverse, des retardataires qui seront hors délais. Je croise un asiatique en fatbike, je le reverrai plus tard dans un reportage de TF1...
Je partage un bout de route avec un français vendéen, 2 jeunes filles cyclistes nous accompagnent sur quelques kms, nous leur expliquons ce que nous faisons où nous allons, je leur explique les modalités pour participer et les invite pour dans quelques années.
Kms 870, 16h20 heure du goûter, Tinténiac et son check point, je prends un coca, me pose dans l'herbe avec mon pain au chocolat. Il faut dire que depuis le début, public et bénévoles sont au petit soin pour nous, et c'est sûrement encore plus vrai pour moi, une nana qui roule seule. Un des bénévoles me parle, me demande si tout va bien et quand je pense finir ? Pour moi ça va pas trop mal, de la fatigue musculaire, des douleurs aux appuis mais rien d'ingérable. Quant à savoir à quelle heure je serai à Rambouillet, je n'ai pas trop d'idée, cela dépend de la nuit avec mes 2 petites heures de sommeil c'est l'inconnue.
Alors lui va me tenir une causerie digne d'un coach, il m'explique que sur son dernier PBP, il a pu tenir la dernière nuit avec 2 micros siestes de 5mn....Ça me touche beaucoup qu'il prenne 5mn pour me parler. Je vais prendre 5mn allongée dans l'herbe, profiter de cette belle fin de journée. Puis je repars galvanisée.
55kms pour rejoindre Fougères et toujours des encouragements de toute part, des nanas en voitures qui s'agitent et klaxonnent quand elle m' aperçoivent .
Je débarque à Fougères kms 924 vers 19h31, je ne veux pas rester au CP trop longtemps mais prends tout de même 10mn pour changer de cuissard, faire un coup de toilette, de la vaseline sur la peau, de quoi passer les 300 derniers kms sans encombres(3ème pause fraîcheur ). J'ai repéré une pizzeria Dominos sur la route, passe commande, j'en profite pour faire un point, envoyé des messages, je mange la moitié de la pizz, garde le reste dans un doggy bag, ravito parfait pour la nuit.

Mardi 20, 20h40.....chéri j'ai roulé sur la lune

En quittant Fougères, j'ai Al au téléphone, l'impression que l'on ne s'est pas parlé depuis des jours....
Il a eu des soucis mais gère ça au mieux, il est content de me voir progresser.
Je continue à avancer... l'ambiance se rafraîchissant je me gare pour enfiler jambières, coupe vent, gants longs, en 30 secondes j'ai déjà un motard bénévole qui stoppe à ma hauteur pour me demander si j'ai un souci.
Rouler jusqu'à Villaines la Juhel d'une traite est trop long et trop frais, je fais un arrêt à Le Ribay, pour prendre un thé, galette/saucisse. Et encore du dénivelé, dans le noir cela semble encore plus long.
Check point de Villaines, il est 2h10, soit 48 heures après être passer dans l'autre sens ! En gros j'ai l'impression de remonter le temps. Je reconnais les routes mais pas tout à fait. La nuit et la fatigue me donne des notions complètement psychédéliques de ce décor, je n'ai jamais vu les paysages je les devine. Le parking vélo est tout en longueur, j'ai du mal à retrouver mon vélo. Serait ce un premier signe ?
Je roule jusqu'à 5h, ce sont de petites routes au sud d' Alençon, et sans que je m'en aperçoive les routes ont changé. Sous la lumière de mon phare le revêtement est devenu blanc jaunâtre, il crisse comme de la paraffine, ça ressemble à du saindoux mais en plus chimique. L'herbe des bas côté en est recouverte, la nature est étouffée par cette masse qui dégouline des arbres, à chaque fois que je pense que c'est finit une autre route se présente encore plus recouverte, il fait froid tout se ressemble, l'aspect chimique de la route ne me revient pas, c'est l'heure qui précède le lever du jour, entre paranoïa et hallucinations j'atteins Mamers, un ravito en centre ville me sauve la mise. Je prends un café, un cake, les bénévoles me disent qu'il y a un dortoir en face dans la vieille Poste. Je n'hésite pas et commande 45mn de sommeil à mes bienfaiteurs qui viendront me réveiller. Je me glisse dans un lit de camp à 6h05, à 6h44 je suis réveillée comme si j'avais fait une nuit.

Mercredi 21, 6h50......rouler c'est manger encore...

Je quitte Mamers avec le soleil levant, la campagne est magnifique. Une femme m’applaudit de sa voiture. Je double un autre cycliste, il pointe son doigt devant, un sanglier vient de sortir d'un champ de maïs, nous observe, hésite et retourne se cacher. Le moral est bon.
Jusqu'à Mortagne en Perche je déroule comme en contre la montre. Pointage à Mortagne vers 8h15. J'entame un paquet de bananes séchées, what else ! M'élance vers Dreux à 80 km de là, une banalité, mais pas pour mon corp. J'ai à nouveau sous estimé ma consommation de calories, vers 10h mes jambes n'ont plus d'énergie, je suis su ralenti, j'attrape ma demi pizza et l'engloutit. Quelques kilomètres plus loin, l'énergie revient.
Je pointe à 12h à Dreux.
Les calculs n'ont pas cessé dans ma tête, il reste 43km, si je boucle avant 15h00, je suis sous les 70h!!!
L'idée me ravit, je suis sur motivée. Mais vite calmée par une déviation qui met le bazar dans la trace, plusieurs groupe se scindent, chacun choisit son trajet retour.
Retrouver l'arrivée à Rambouillet me met en stress, j'ai le malheur de tourner à droite alors qu'il ne faut pas. Je me retrouve avec un coureur étranger qui me met sur la bonne route. Je lui explique en anglais mon stress de l'arrivée, il me répond dans un français parfait🙄
J'accélère et mes genoux crient stop en choeur.
Enfin l'arrivée, les pavés, les cellules qui bippent, l'accordéon, dernier pointage, la médaille 🏅🤤

1229km 69h45 (59h30 de roulage) +11000D
Énorme merci à mon chéri pour son soutien.
Merci à l'Audax Club Parisien qui organise.
Merci à vous pour votre soutien, pour avoir lu jusqu'au bout.



2 commentaires:

Luc a dit…

Félicitations Elodie et merci pour ton récit. Tu fais déjà une perf et pourtant on perçoit que cette édition 2019 était surtout une prise d’expérience pour toi. Te lire donne envie. Je vais aller faire le tronçon dont tu parles dans le Perche.
Je vous embrasse tous les deux et à bientôt. Luc P.

Unknown a dit…

un récit aussi bien mené que la course et qui tient en haleine ! Bravo !!!