Petit compte -rendu d’Élodie qui nous fait revivre son Paris Brest Paris
En résumé :
Paris Brest Paris, mythe ou légende
De PBP, j'avais 2 visions celle du JT de JP Pernaut (Ça part mal!), où
des tas d'étrangers en plein jet lag luttaient contre les éléments pour
faire l'aller retour en vain. Et puis celle de super randonneurs croisés
ici et là, qui gèraient la chose comme un aller retour à la
boulangerie, avec une régularité parfaite...
L'événement ayant lieu tous les 4 ans, il n'y avait plus qu'à s'y inscrire pour assouvir la curiosité et relever le défi.
Dimanche 18, 17h00 .....Début des Doutes
Il y a 6300 partants sur ce PBP, tous répartis par vague de 300.
Après avoir trouvé le bon sas, nous partons via la porte de Versailles
de Rambouillet. Avec Al on a décidé de faire notre route indépendamment
en écoutant nos sensations.
Je commence donc à suivre un groupe,
rester dans les roues pour économiser de l'énergie, le cardio est
raisonnable, les jambes sont un peu justes pour sortir de la vallée de
Chevreuse. Au bout de 27 bornes je renonce à suivre, et garde mon rythme
pour me préserver, je vais tour à tour rouler avec le pilote Cyfac
rencontré au BRM de Noisiel et puis Olivier, que je n'avais pas revu
depuis l'époque des rassemblements singlespeeds, le monde est petit. La
route se poursuit jusqu'à Mortagne en Perche, rythmée par les
dépassements des vélos couchés et vélos carénés partis 1/4 d'heure après
nous, le tandem de Vagabonde me dépasse même pas le temps de les
encourager, il s'évapore. Les forêts sont agréables et le public déjà
là pour encourager.
Malgré tout, à ce moment-là, j'ai beaucoup de
doutes, mes jambes ne sont pas tops, je me sens rouillée, je me demande
ce que je fais là.
Je me dis "patience", je compare souvent la
longue distance à du puzzle, celui de 8000 pièces avec le dauphin bleu
qui saute de la mer bleue sur fond de ciel bleu....patience.
Dimanche 18, 21h...Première nuit
Mortagne en Perche, la belle surprise des encouragements de Jeanne et Arthur, en pleine côte
😛.
C'est l'heure du premier ravito, beaucoup d'agitation, les bénévoles
sont au taquet, mais pas de panique, on a que 117bornes dans la musette,
un simple bidon d'eau me suffit, j'allume mes feux, je continue. En
grignotant gougères et bananes que j'avais avec moi.
La nuit tombe, plutôt douce jusqu'à Villaines la Juhel, pas besoin de me rhabiller, le simple chasuble coupe vent suffit.
C'est le début des Alpes Mancelles, je commence à comprendre que chaque
région traversée n'est qu'une série de montées et descentes, ce qui
fait que les 12000m de D+ ne sont pas fictifs et que l'épreuve peut être
qualifiée de : USANTE....
Villaines la Juhel, 2h10 et premier Check
Point (donc coup de tampon sur la feuille de route), 2 bidons d'eau,
dont 1 avec électrolytes, j'ai encore du ravito sur moi alors je me
couvre : gants, coupe vent, jambières, et je continue. Mon vélo est garé
un peu loin du contrôle, la marche que ça m'oblige à faire me détend
les muscles et me réveille. Je repars. Direction Fougères à 90 bornes.
Je sais que c'est la période de la nuit la plus difficile à tenir, mais
le sommeil cumulé volontairement c'est derniers jours va m'aider à tenir
pas trop mal jusqu'à 5h. Depuis Mortagne je roule avec des grappes de
cyclistes, que je perds puis retrouve dans la nuit, je garde mon allure.
Il y a dans quasi 1 village sur 2 des spectateurs qui nous encouragent,
parfois assis une couverture sur les épaules, des applaudissements qui
fusent des fenêtres, il y a pas d'heure pour encourager.
5h, les
ennuis commencent, je vais m'apercevoir au cours de la rando que l'heure
précédant le lever du soleil est critique pour moi, débuts des bâillements, micros hallucinations. Mais si proche du check point, je ne
veux pas m'arrêter, alors je me parle, je chante, j'en viens même à
inventer des chansons, jetant un œil dans le rétro pour m'assurer que
personne n'entend le triste spectacle
😁
J'arrive à Fougères kms308, persuadée de faire une BONNE pause.
Pointage du carnet. Je prends un thé, 2 croissants, je me pause 5-10mn.
Finalement je m'aperçois que le jour est arrivé, je suis bien, j'ai
envie de repartir. Hop.
Lundi 19, 6h50.....le grand chantier
Je quitte Fougères et son magnifique château au soleil levant, ça
mériterait une photo Insta dans un autre voyage......je peux enfin voir
les paysages, des landes, des étangs, sympathiques mais toujours du faux
plat montant ou des côtelettes, ça calme. C'est la plus petite étape du
road trip alors Tinteniac kms 366 pointe le bout de son nez, il est
9h15. Pointage, un sandwich, les 5 bénévoles s'activent, paniquent un
peu, pas de sandwichs déjà prêts, j'ai l'impression qu'elles préparent
mon sandwich à 10 mains!
Je repars direction Loudéac. C'est le début
du grand chantier : le vent s'est levé, pleine face, les côtes et
montées se succèdent, l'impression de ne pas avancer domine. Je mordille
dans mon sandwich sans conviction, plus motivée par des barres Overstim
chocolat et un tube de lait concentré, ce qui m'étonne car d'habitude à
ce stade, je suis plus portée sur le salé.
13h45 Loudéac kms448 :
Enfin. Je prends le temps d'une bonne pause avec un chrono en route (
faut pas abusé des bonnes choses), fais un mix épouvantable de café au
lait//Breizhcola, pain au chocolat, banane. Ça passe très bien
👌pas
d'inquiétude. Je crois que ça a été la période où j'ai le plus consulté
mon téléphone, envie de reprendre des repères sans doute, me rassurer,
impatiences. Je vois que je ne suis pas la seule en galère et je croise
le message de Sandrine qui prévient qu'elle est sur Cahraix, ma
prochaine étape. Un rapide calcul et je préviens de mon passage pas
avant 18h30, voilà.
Et je reprends la route, 2 italiens sont à mon
allure je les suis volontiers. Encore bien des côtes à franchir. C'est
désormais un fait avéré, on a négligé de bosser le dénivelé dans la
prépa. Mes jambes tournent mieux que la veille mais mon rythme de pédalage trop en force ne convient pas à ces conditions. Je me fais
doubler régulièrement par des groupes plus rapides, j'ai aussi compris
qu'avec mes pauses plus courtes, j'arrivais à maintenir une allure
correcte. Pour gagner du temps, il faut commencer par ne pas en perdre!
Il est 17h00, 24h de route et 480kms au compteur (ça pourrait presque
valider une Velocio, non !?
Je finis par arriver à Cahraix juste
avant 18h30. Sandrine est bien là, rencontre en chair et en os pour la
première fois, après pas mal d'échanges via les réseaux. Un bon moment
qui aurait bien mérité une bière ! Mais Sandrine me fait oublier la
pression de la course sans pour autant me faire perdre du temps,
pointage de la carte, achat d'un sandwich, quelques photos et je repars.
La prochaine étape étant Brest dans 90 bornes, la possibilité d'y être
avant minuit est une grosse motivation !
Les calculs ! Je ne cesse
de faire des calculs dans ma tête, voyons, si je fais 600 lundi, 400
mardi, il ne reste que 200 à faire mercredi....etc
Direction Brest
et la traversée du massif Armoricain, passage au roc Trevezel au soleil
couchant, la lumière est quasi parfaite c'est l'un des moments magiques
de ce trip. J'enfile un coupe vent pour la descente. Je commence à
croiser ceux qui sont sur le retour.
Instants de paniques également,
le roc semble un mur à passer, un piège qui se referme, il faut le
passer dans un sens descendre sur Brest puis remonter dans l'autre sens,
ça m'effraie !
Lundi 19, 23h10.....la nuit bretonne
Je
pointe à Brest et ses 615kms. Une humidité froide s'abat, j'attrape mes
jambières, gants longs, buff et me glisse dans le réfectoire tout chaud.
Prends un plateau repas, dont je mange la moitié sans grand plaisir.
Aller, je vais DORMIR, chaque ravito ou check point a son dortoir. Ici
c'est une grande pièce avec des tapis de sol la salle se remplit vite.
Pas de couverture, j'aurais du prendre la couverture de survie qui est
restée sur le vélo. Je me pose avec un minuteur : réglage 1h40. Je
bascule dans le sommeil, malgré les ronflements de quelques compères et
les "aïe aïe aïe " d'un rêveur, ça me fait marrer....
Je me
réveille au bout d'une heure, sûrement à cause du froid, je frissonne,
plus envie de dormir, je me lève, déjà envie de repartir. Il faut à
nouveau franchir le roc Trevezel, ça m'impressionne. Sortie de Brest,
devant moi un cycliste roule, il garde sa trajectoire avec peine, il
s'endort. Je décide de le faire parler, c'est un français. Je lui dis de
faire attention, il me rassure vite, un camping-car l'attend en haut du
roc, il va dormir et se refaire, d'ailleurs il s'arrête manger une
crêpe que des villageois proposent 24/24. Ah oui c'est aussi ça PBP, les
ravitos sauvages dans les villlages.
Je franchis le roc dans la
nuit froide et humide, ouf, ça me faisait peur, mais je ne suis pas au
bout de ma peine. La descente s'avère plus difficile que la montée,
c'est long, trop froid, trop humide, je perds ma concentration et doit
faire super gaffe pour garder le contrôle. Il fait froid et humide,
s'arrêter au milieu de nul part ne sert à rien, je continue. Dans la
descente vers Cahraix je croise du monde, ce n'est pas normal, sur ce
tronçon l'aller retour ne sont pas communs, certains ont décidé de
raccourcir....
5h, difficile de tenir le guidon, je recommence à
chanter et parler dans la nuit, pour arriver vers 6h15 à Cahraix,
rassurée car le soleil va se lever.
Pointage au CP de Cahraix, le
chassé croisé des allants et revenants a commencé, beaucoup de monde, le
moindre coin est occupé pour une sieste, ça roupille de partout et dans
toutes les langues...
Trop de monde je décide d'aller voir plus loin. Direction Loudéac à 90kms.
Mardi 20, 6h40.....manger c'est rouler
Je quitte Cahraix, mais la fatigue me rattrape vite. Une pause s'impose, beaucoup de monde me double, chacun son rythme.
Je repère un abris bus dans un hameau, je me pose, décide de me laver
les dents (ben oui, l'instant fraîcheur!) Puis je sors ma couverture de
survie, m'enroule dedans, déclenche un minuteur pour 40mn, toujours la
peur de s'endormir pour des heures. Je somnole 30 minutes, me réveille,
le minuteur me laisse 10mn, mais je me lève ça va mieux. Pause terminée !
Je reprends le vélo et repars, les routes sont sinueuses et le rythme
cassant. Mes jambes manquent de puissance, j'en viens à faire le bilan
de ce que j'ai manger depuis hier soir, trop peu certainement, je suis
en hypo. Il faut vraiment que je m'alimente mieux, je mange une barre
Overstim chocolat, c'est mieux mais avec le recul je me dis que j'aurais
pu manger encore....
Je roule jusqu'à Loudeac, et commence à apprécier le vent de dos qui fait son petit effet sur la moyenne.
Km 783, Loudéac, je me suis promise de faire une descente de
boulangerie, envie de tartes : flan, abricot, pain au chocolat. Les
clients me regardent à la fois interrogateurs et admiratifs, certains me
posent des questions, on échangent, ils m'encouragent, un merci. Je
descends au check point pour pointer, pause le vélo, avale mes tartes,
garde le pain au chocolat pour plus tard.
Un coup de crème solaire
sur le nez (2ème instant fraîcheur !), depuis dimanche ça commence à
chauffer. D'une oreille j'écoute les commentaires des spectateurs,
disposés autour du parc à vélo, la faune internationale des cyclistes
est un spectacle pour eux, je souris.
Déjà l'heure de repartir pour
mettre à profit le vent de dos. Je croise toujours des cyclistes en sens
inverse, des retardataires qui seront hors délais. Je croise un
asiatique en fatbike, je le reverrai plus tard dans un reportage de
TF1...
Je partage un bout de route avec un français vendéen, 2
jeunes filles cyclistes nous accompagnent sur quelques kms, nous leur
expliquons ce que nous faisons où nous allons, je leur explique les
modalités pour participer et les invite pour dans quelques années.
Kms 870, 16h20 heure du goûter, Tinténiac et son check point, je prends
un coca, me pose dans l'herbe avec mon pain au chocolat. Il faut dire
que depuis le début, public et bénévoles sont au petit soin pour nous,
et c'est sûrement encore plus vrai pour moi, une nana qui roule seule.
Un des bénévoles me parle, me demande si tout va bien et quand je pense
finir ? Pour moi ça va pas trop mal, de la fatigue musculaire, des
douleurs aux appuis mais rien d'ingérable. Quant à savoir à quelle
heure je serai à Rambouillet, je n'ai pas trop d'idée, cela dépend de la
nuit avec mes 2 petites heures de sommeil c'est l'inconnue.
Alors
lui va me tenir une causerie digne d'un coach, il m'explique que sur son
dernier PBP, il a pu tenir la dernière nuit avec 2 micros siestes de
5mn....Ça me touche beaucoup qu'il prenne 5mn pour me parler. Je vais
prendre 5mn allongée dans l'herbe, profiter de cette belle fin de
journée. Puis je repars galvanisée.
55kms pour rejoindre Fougères
et toujours des encouragements de toute part, des nanas en voitures qui
s'agitent et klaxonnent quand elle m' aperçoivent
✌.
Je débarque à Fougères kms 924 vers 19h31, je ne veux pas rester au CP
trop longtemps mais prends tout de même 10mn pour changer de cuissard,
faire un coup de toilette, de la vaseline sur la peau, de quoi passer
les 300 derniers kms sans encombres(3ème pause fraîcheur ). J'ai repéré
une pizzeria Dominos sur la route, passe commande, j'en profite pour
faire un point, envoyé des messages, je mange la moitié de la pizz,
garde le reste dans un doggy bag, ravito parfait pour la nuit.
Mardi 20, 20h40.....chéri j'ai roulé sur la lune
En quittant Fougères, j'ai Al au téléphone, l'impression que l'on ne s'est pas parlé depuis des jours....
Il a eu des soucis mais gère ça au mieux, il est content de me voir progresser.
Je continue à avancer... l'ambiance se rafraîchissant je me gare pour
enfiler jambières, coupe vent, gants longs, en 30 secondes j'ai déjà un
motard bénévole qui stoppe à ma hauteur pour me demander si j'ai un
souci.
Rouler jusqu'à Villaines la Juhel d'une traite est trop long
et trop frais, je fais un arrêt à Le Ribay, pour prendre un thé,
galette/saucisse. Et encore du dénivelé, dans le noir cela semble encore
plus long.
Check point de Villaines, il est 2h10, soit 48 heures
après être passer dans l'autre sens ! En gros j'ai l'impression de
remonter le temps. Je reconnais les routes mais pas tout à fait. La nuit
et la fatigue me donne des notions complètement psychédéliques de ce
décor, je n'ai jamais vu les paysages je les devine. Le parking vélo
est tout en longueur, j'ai du mal à retrouver mon vélo. Serait ce un
premier signe ?
Je roule jusqu'à 5h, ce sont de petites routes au
sud d' Alençon, et sans que je m'en aperçoive les routes ont changé.
Sous la lumière de mon phare le revêtement est devenu blanc jaunâtre, il
crisse comme de la paraffine, ça ressemble à du saindoux mais en plus
chimique. L'herbe des bas côté en est recouverte, la nature est étouffée
par cette masse qui dégouline des arbres, à chaque fois que je pense
que c'est finit une autre route se présente encore plus recouverte, il
fait froid tout se ressemble, l'aspect chimique de la route ne me
revient pas, c'est l'heure qui précède le lever du jour, entre paranoïa
et hallucinations j'atteins Mamers, un ravito en centre ville me sauve
la mise. Je prends un café, un cake, les bénévoles me disent qu'il y a
un dortoir en face dans la vieille Poste. Je n'hésite pas et commande
45mn de sommeil à mes bienfaiteurs qui viendront me réveiller. Je me
glisse dans un lit de camp à 6h05, à 6h44 je suis réveillée comme si
j'avais fait une nuit.
Mercredi 21, 6h50......rouler c'est manger encore...
Je quitte Mamers avec le soleil levant, la campagne est magnifique. Une
femme m’applaudit de sa voiture. Je double un autre cycliste, il pointe
son doigt devant, un sanglier vient de sortir d'un champ de maïs, nous
observe, hésite et retourne se cacher. Le moral est bon.
Jusqu'à
Mortagne en Perche je déroule comme en contre la montre. Pointage à
Mortagne vers 8h15. J'entame un paquet de bananes séchées, what else !
M'élance vers Dreux à 80 km de là, une banalité, mais pas pour mon corp.
J'ai à nouveau sous estimé ma consommation de calories, vers 10h mes
jambes n'ont plus d'énergie, je suis su ralenti, j'attrape ma demi pizza
et l'engloutit. Quelques kilomètres plus loin, l'énergie revient.
Je pointe à 12h à Dreux.
Les calculs n'ont pas cessé dans ma tête, il reste 43km, si je boucle avant 15h00, je suis sous les 70h!!!
L'idée me ravit, je suis sur motivée. Mais vite calmée par une
déviation qui met le bazar dans la trace, plusieurs groupe se scindent,
chacun choisit son trajet retour.
Retrouver l'arrivée à Rambouillet
me met en stress, j'ai le malheur de tourner à droite alors qu'il ne
faut pas. Je me retrouve avec un coureur étranger qui me met sur la
bonne route. Je lui explique en anglais mon stress de l'arrivée, il me
répond dans un français parfait
🙄
J'accélère et mes genoux crient stop en choeur.
Enfin l'arrivée, les pavés, les cellules qui bippent, l'accordéon, dernier pointage, la médaille
🏅🤤
1229km 69h45 (59h30 de roulage) +11000D
Énorme merci à mon chéri pour son soutien.
Merci à l'Audax Club Parisien qui organise.
Merci à vous pour votre soutien, pour avoir lu jusqu'au bout.